❝ Ce n’est pas parce qu’on a une boule dans la gorge qu’on est un mauvais jongleur de sentiments. ❞
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Quand vacille l’âme sans bruit : apprendre à ne pas se punir d’éprouver
Il est des jours où l’âme chancelle sans prévenir.
Rien d’extraordinaire. Un silence plus dense que les autres. Une fatigue inhabituelle. Une ombre qui glisse lentement sur le cœur.
Et soudain, tout semble flou. On doute de soi. On se croit trop ou pas assez. Et l’on cherche à tout prix à se contrôler.
Mais si l’on osait s’arrêter là, quelques secondes, les mains posées sur ce qui bat doucement en nous, on entendrait peut-être autre chose.
Une émotion ne juge jamais. Elle n’étiquette pas. Elle avertit, doucement, patiemment. Elle dit : « Tu as mal quelque part. Prends soin de ce lieu. »
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L’émotion n’éclaire pas tout : elle éclaire juste ce qui attendait qu’on le regarde enfin
Une émotion, c’est une lumière discrète dans une pièce où l’on n’entre jamais.
Elle n’arrive pas pour convaincre, ni pour accuser, mais pour signaler. Montrer l’endroit de la tension, de la faille, du besoin ignoré.
Mais la tristesse, la peur, la colère, si on les étouffe, ne s’en vont pas. Elles se terrent. Elles changent de forme. Elles attendent.
Et le jour où elles ressurgissent, c’est souvent au mauvais moment, dans un mot de travers, une fatigue inexpliquée, un geste qui déborde.
Il suffit parfois d’un mot mal placé ou d’un souvenir fugace pour qu’une digue cède, révélant tout ce que nous avions tenté de verrouiller.
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Écouter ce que le corps sait déjà : l’émotion n’a pas besoin d’être raisonnable pour être juste
Tristesse, colère, peur… ces émotions-là ne se raisonnent pas, elles se ressentent.
Elles ne se rangent pas dans des tableaux Excel. Elles vivent ailleurs. Dans le ventre. Dans la gorge. Dans le souffle court.
Un adolescent qui rit nerveusement pour ne pas pleurer. Une femme qui rêve de fuir sans comprendre pourquoi. Ce ne sont pas des gens « instables ». Ce sont des êtres vivants qui n’ont pas encore trouvé un endroit pour déposer ce qui déborde.
❝ Et si vous trouvez encore que pleurer est une faiblesse, souvenez-vous que même les oignons font pleurer les plus grands chefs. Et personne ne remet en question la virilité d’un gratin dauphinois. ❞
Accueillir une émotion, ce n’est pas sombrer. C’est déjà se libérer de l’obligation de se durcir pour paraître fort.
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L’émotion n’est pas l’ennemie de la pensée : elle en est la lumière la plus discrète
On croit souvent qu’il faut choisir : penser ou ressentir. Être fort ou être vrai. C’est une illusion.
Ce sont souvent ceux qui pensent avec leur cœur qui trouvent les réponses les plus justes. Pas les plus rapides, mais les plus humaines.
Un médecin qui écoute la peur derrière les symptômes. Une professeure qui essuie discrètement une larme en rendant une copie. Ces gestes n’ont rien de faibles. Ils sont l’expression d’une lucidité qui a choisi de rester vivante.
Penser sans ressentir, c’est vouloir naviguer sans vent. On n’avance pas. Ou on se trompe de cap.
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S’offrir la permission d’écouter ce qui fait mal sans chercher tout de suite à le réparer
Accueillir une émotion, ce n’est pas lui céder le pouvoir. C’est lui ouvrir une pièce tempérée dans laquelle elle peut s’asseoir et dire : « Voilà, je suis là. »
C’est renoncer aux jugements automatiques : « Je devrais être au-dessus de ça. » « Ce n’est pas grave. »
C’est dire à soi-même : « Tu as le droit de ressentir. Tu as le droit de pleurer. Tu as le droit de vouloir comprendre plus tard. »
Un homme pose enfin les mots sur ce qu’il a tu pendant des années. Une femme écrit une lettre qu’elle n’enverra jamais, mais qui la libère.
Ce ne sont pas des victoires spectaculaires. Ce sont des actes de guérison intime.
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Laisser venir l’orage : parfois, ce n’est pas une crise. C’est une traversée
Il arrive que l’émotion déborde. Elle monte comme une marée. Elle fait éclater nos digues. Et c’est bien.
Parce qu’elle emporte avec elle ce qui ne servait plus à rien : les faux-semblants, les sourires crispés, les silences pesants.
Une grand-mère murmure « Je suis fatiguée, mais ça ira » à l’enfant qui tient sa main. Et dans cette phrase, tout le courage du monde.
❝ Ceux qui prétendent ne jamais flancher sont souvent les mêmes qui confondent émotion et fuite d’eau. Ils colmatent. Ils épongent. Et un jour, ça les noie. Mais proprement. Avec dignité. Dans un lavabo de type haussmannien. ❞
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Pour finir, une main posée doucement sur l’épaule intérieure
L’émotion n’est pas un échec. Ce n’est pas un bug dans le système. C’est un message. Une balise. Une preuve que quelque chose en vous vit encore et réclame de la place.
Ne la jugez pas. Ne cherchez pas à l’expliquer trop vite.
Contentez-vous, parfois, de dire simplement :
« C’est là. Et c’est légitime. »
Et peu à peu, sans bruit, la confiance revient. Non pas une confiance froide, assurée, performante.
Mais une confiance humaine. Celle de pouvoir tomber, sentir, aimer, et se relever sans se trahir.